Le prix de l'année
Paraphrasant aussi maladroitement que de manière éhontée notre Malraux national, je le proclame haut et fort, notre siècle verra le règne du pathos ou ne verra rien.
Loin de moi l'idée de jeter la première pierre, cet homme a fait preuve d'un sursaut de positivité sans précèdent en augurant d'une prise de conscience collective de la population mondiale à l'égard de sa propre fin. Un destin funeste sans cesse rappelé par la menace d'un anéantissement nucléaire des deux grands blocs idéologiques s'affrontant au moment de la Guerre Froide. Cet engrenage mortifère et la quantité astronomique de victimes sacrifiées au nom de la révolution mondiale marxiste ou du libéralisme conquérant devaient entraîner le retour du religieux et du spirituel dans les sociétés meurtries.
Or le futur est taquin et la machine du temps combinée à l'action de l'Homme en a voulu autrement. S'il est vrai qu'on parle beaucoup plus de religion au début du XXIe siècle, la connaissance profonde des écritures et des rites reste rare. Ce qui n'est pas sans poser quelques problèmes d'interprétations du message divin transmis dans ces écrits.
Car oui tout n'est qu'affaire de compréhension dans la religion. Comprendre quelle est la place de l'Homme dans ce monde, sa raison d'être, son code de conduite moral, etc...
Là où le bât blesse c'est quand cet engagement personnel se veut universaliste. En gros, tu choisis d'y croire pour tout un tas de raisons mais en fait ton choix n'a pas d'importance vu qu'il s'agit de la seule voie de salut possible. Dans ce manichéisme forcené, si tu as raison les autres ont tort. Alors que faire s'ils ne veulent pas admettre leurs erreurs ? On coexiste, on tente de les assimiler par la conversion, au pire on les combat ? A priori au cours de l'Histoire on a plutôt privilégié l'option brutale et expéditive. Non sans justifier la violente entorse faite aux idéaux de paix et d'entente véhiculés par la religion monothéiste à travers le classique et indémodable " c'est pour leur bien ".
Clairement on s'adapte à l'air du temps tout en s’arc-boutant sur des valeurs monolithiques et absolues. C'est paradoxal et très humain en définitive mais ça ne pardonne rien. D'ailleurs ne dit-on pas que Dieu pardonne mais plus rarement les hommes ? Je m'égare.
Mais si j'écris tout ça, c'est pour pointer du doigt ce pathos persistant et largement amplifié par les internets. Alors oui, le procédé n'est pas neuf. On a toujours orienté les foules en leur démontrant où se trouvaient les méchants et comment devaient agir les gentils au risque d'être condamnés à devenir des méchants à leur tour. Le tout en faisant un énorme doigt d'honneur à la diversité d'opinion et de vision inhérentes à la rencontre d'au moins deux cultures distinctes.

Le cas Birman
On a ces derniers jours un très bel exemple d'épidémie de Pathos sur la toile à propos du destin funeste de la minorité Rohingya au Myanmar. Il est impossible d'échapper à la vision tragique de ces longues files de réfugiés bravant tous les dangers pour se rendre au Bangladesh voisin, terre de salut et d'origine pour l'ethnie persécutée par les militaires et la population birmane.
D'abord dressons un rapide tableau du pays :
- Environ 53 millions d'habitants, pas moins de 135 groupes ethniques "officiels", autant de langues et de dialectes, bouddhiste à 90%.
- Une indépendance de la tutelle coloniale britannique en 1948
- Un coup d'état communiste et l'établissement de la junte militaire en 1962
- L'ouverture relative du régime militaire en 2010 avec la libération d' Aung San Suu Kyi, fille du fondateur de l’état Birman actuel et détentrice du prix Nobel de la paix (1991).
- Le parti d'Aung San Suu Kyi remporte l'élection présidentielle en 2016, la communauté internationale salue cette victoire de la démocratie porteuse d'espoir et d'ouverture pour le pays.
- Une organisation territoriale et administrative calquée sur le modèle une région un peuple. Uniquement valable pour les plus importants groupes ethniques (exemple: les Shan dans l'état Shan mais les Rohingyas dans l'état Arakane). Au final on trouve sept régions et quatorze sous-divisions.
On voit bien que le Myanmar porte en germe les conditions de son éclatement et le traitement des Rohingyas n'est qu'un violent soubresaut d'une histoire émaillée de rapports violents entre les minorités et la majorité Bamar aux manettes du pays. Après tout, le gouvernement central est en guerre ouverte avec les Karens, deuxième groupe de peuplement de Birmanie, depuis 1948, sans oublier les Shan et les Kachins dont on ne parle presque pas mais qui subissent plus ou moins fréquemment de violentes vagues de répressions.

Or il me semble qu'un mort en vaut bien un autre. Alors attention mes propos risquent d'en heurter certains mais pourquoi nos sociétés qui se sont tues et se taisent encore sur de trop nombreuses atrocités dans le monde, ont choisi subitement que les rohingyas, eux, méritaient d'être sauvés ?
Peut-être est-ce pour emmerder nos collègues chinois qui ont réussi là où nous avons échoué en s'assurant une place de choix dans la Birmanie de demain, aux terres si riches en matières premières et qui espère shunter le sacro-saint détroit de Malacca pour mieux s'affranchir de nos réseaux de distribution énergétiques ?
Ou encore est-ce pour donner bonne conscience aux pays musulmans de la zone et d'ailleurs, avec qui nous traitons (entre autres Arabie Saoudite, Indonésie, Malaisie) et qui semblent bien plus s'en émouvoir que du sort aussi peu enviable des Yéménites, des Irakiens, des Syriens, des Ouïgours chinois ou encore des Afghans pour ne citer qu'eux ?
Plus improbable, est-ce si insupportable de voir des moines bouddhistes manier aussi bien la rhétorique haineuse et la barre de fer que les méchants terroristes barbus de noir vêtu - écornant quelque peu nos stéréotypes à l'égard d'une religion pas si propre que ça ?
Doit-on rappeler qu'il s'agit d'une situation qui dure et perdure dans l'Afrique des Grands Lacs avec un record absolu de morts violentes, de pratiques génocidaires et inhumaines, tout en nous fournissant les matériaux bruts de nos chers smartphones sur lesquels nous pleurons le sort de moins chanceux que nous ? Après tout 1100 euros pour le dernier I-Phone c'est pas à la portée du premier pauvre venu, même s'il en faut quelques-uns pour dégager les marges nécessaires à la culture de cellules souches garantissant la vie éternelle à Tim Cook...

Faisant fi de mes interrogations et ne doutant de rien, la communauté internationale questionne voire appelle carrément à contester la remise du prix Nobel de la paix à "The Lady" Suu Kyi. D'après cette vénérable assemblée, la présidente birmane n'exprimerait pas assez ouvertement sa désapprobation vis-à-vis de la tragédie vécue par les Rohingyas. Pour une personne qui a passé autant d'années enfermée dans sa maison, ou pourrait croire qu'elle manque un peu de mental. Alerte Spoiler ! Ce n'est pas le cas, on appelle ça de la prudence mais également la raison d'Etat.
Il faut rappeler que la dernière personne à s'être exprimée publiquement sur le sort des musulmans birmans et la mainmise de l'armée sur les institutions, l'avocat Ko Ni, a fini assassinée devant l'aéroport de Rangoon. Autant dire que l'on marche sur des œufs du côté de la présidence.
Doit-on reprocher à Aung San Suu Kyi de ne pas vouloir sacrifier une vie d'effort à ouvrir la Birmanie pour un prix qu'elle n'a jamais demandé ? A un jury suédois qui décerne à qui mieux mieux le prix Nobel de la Paix au président Obama dès son investiture - même s'il n'a eu de cesse d'opérer militairement sur l'ensemble du globe durant son mandat - ou bien encore un prix Nobel de littérature à Bob Dylan ? Pathos quand tu nous tiens...
Tout ça n'est pas très sérieux.
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